Ça devait arriver. Je suis d’ailleurs étonnée que cela ne soit pas arrivé avant…
La semaine dernière, j’ai reçu une lettre recommandée. Une convocation pour un entretien préalable au licenciement, car comme mes collègues, je fais l’objet d’une procédure collective de licenciement économique. Et le fait d’être en congé parental ne m’en protège nullement.
J’avoue cependant avoir été soulagée de l’apprendre. L’occasion pour moi de tourner la page et de me lancer dans autre chose.
Pourtant mon boulot, je l’adorais. Quand j’ai été embauchée dans cette boîte en mai 1999, j’aurais payé pour bosser ! Jeune diplômée d’un DESS de chimie, je cherchais du travail depuis plus de 18 mois, sans aucune piste sérieuse… j’avais suivi MrChéri, nous venions de nous marier, et je n’avais aucun réseau dans cette nouvelle région. Mon rêve de devenir formulatrice dans un labo de cosméto, sorte d’apprentie sorcière de la beauté, s’effritait peu à peu.
J’en étais arrivée à me dire que peut-être je ne trouverai jamais de boulot. Peut-être que je n’étais pas faite pour ça, le travail. Aussi idiot que cela peut paraître, je le pensais vraiment.
Et un jour se présente une opportunité inattendue, à mille lieues de ma formation initiale, par l’intermédiaire d’une cousine. Aurevoir inaccessibles éprouvettes, becher et émulsions, bonjour nouvelles technologies, internet et start-up de djeunzes ! Moi qui n’y connaissais rien, je suis engagée pour assurer le référencement des sites web créés par mes futurs collègues. Tout était à faire, je partais de zéro, mais ça m’a plu, j’ai créé toute seule une méthodologie de travail qui tient la route et qui se vend ! Quelle fierté de tirer ainsi mon épingle du jeu.
Et dans cette boîte, quelle ambiance ! Moyenne d’âge 30 ans, 2 patrons vraiment humains, beaucoup de liberté et des nouveaux projets à la pelle. D’une petite vingtaine à mon arrivée, nous passons en 2 ans à 150 salariés, 4 antennes régionales.
Mais en 2001, cette merveilleuse mais fictive bulle internet éclate, retour aux dures réalités de la vie… abandon des principaux actionnaires, cessation de paiement, redressement judiciaire, plan social. Je vis tout cela de l’intérieur, en tant que membre du tout jeune comité d’entreprise. Pas facile de gérer les licenciements, les audiences du tribunal de commerce, la reprise in extremis d’un petit tiers des effectifs par un vieux loup de la finance, une sorte de Bernard Tapie des NTIC du pauvre. Nos anciens patrons sont cloués au piloris, jetés comme des malpropres. Ecoeurant.
Notre société est scindée en 2, et sans être consultée, je me retrouve « mutée » dans la branche hébergement, complètement paumée au milieu de mes 10 collègues 100% masculins autistes, le nez collé sur leur écran ou dans leurs serveurs auxquels je ne pige rien de rien de rien. Je regrette amèrement mon ancien entourage « créatif », chefs de projets, graphistes, développeurs, commerciaux…
Surtout que ma nouvelle chef est une incompétente notoire doublée d’une vraie g*rce, qui n’aura de cesse de me harceler sur tous les fronts. Il ne fait pas bon avoir été déléguée du personnel chez cette aspirante-facho (qui se tape le nouveau patron, « détail » qui lui laisse une certaine marge de manœuvre)
Après une année de batailles, de menaces, de coups de gueules, de pression dingue, l’autre branche, celle du développement de sites, est liquidée en septembre 2002. De 150, puis 50, nous voilà maintenant 10… je n’ai plus aucun « allié », aucune motivation, je n’ai pas de soutien commercial, plus personne ne vend mes prestations. Je cherche par tous les moyens à m’échapper de cette ambiance sordide.
La vie fera bien les choses, à peine mes anciens collègues partis, je me découvre enceinte de Petitou, je me focalise sur cette nouvelle maternité, me préservant le plus possible des pressions de ma chef, et du déclin de mon activité. Début 2003, j’ai eu à peine le temps de former mon remplaçant que je suis arrêtée à 6 mois de grossesse, trop de stress, trop de contractions.
A mon retour de congé maternité, il y a du nouveau. La boîte, ou ce qu’il en reste (nous ne sommes plus que 6), a été revendue. Adieu ce vieux ripou et sa maîtresse ! Le nouveau directeur a l’air plus humain, mais il arrive trop tard, la situation est catastrophique : il n’y a plus de commercial depuis 1 an, donc pas de nouveaux clients, et les anciens partent régulièrement, au rythme des plantages (fréquents) des serveurs qui datent de Mathusalem… Passé le 1er mois à faire le point sur les dossiers de mon remplaçant, je me retrouve seule dans mon bureau, avec strictement RIEN à faire. Quand je dis rien, je n’exagère pas, il m’est arrivé d’avoir comme charge de travail DEUX pauvres fax à passer en une SEMAINE !
J’alerte mon nouveau boss, qui ne vient sur le site qu’une à deux fois par mois. En vain. L’absurdité de ma vie, moi qui cours le matin pour déposer mes enfants à l’école et chez la nounou, moi qui cours le soir pour les récupérer et les coucher sans avoir le temps d’en profiter, alors que je me fais chier pour quasi peanuts la journée, me saute au visage et me mine le moral.
6 mois après mon retour, et après mûres réflexions avec MrChéri, et savants calculs d’apothicaires, je décide de prendre un congé parental. Et je suis pressée, je suis au bord de la déprime. Mon patron ne le comprend pas, essaie de gagner du temps avec des promesses sans queue ni tête. Mais chaque jour supplémentaire menace de repousser d’un mois plein mon départ. Je m’impatiente, et finis par lui notifier ma décision par courrier recommandé en mars 2004. Grosse erreur, monsieur n’apprécie guère et me le fera payer lorsque Miniloup naîtra et que je voudrai renouveler mon congé… il n’aime pas les personnes procédurières, voyez, ce qui ne l’empêche pas de refuser mon renouvellement de congé parental, car j’aurais du faire une nouvelle demande !
Voilà donc où j’en suis lorsque je reçois cette lettre recommandée… complètement détachée de mon job, grillée de toute façon, et sans avoir la moindre envie d’y retourner quand Miniloup aura 3 ans. Autant dire que j’ai fermement l’intention de saisir l’occasion pour me reconvertir une nouvelle fois. J’ai donc presque 2 ans pour me trouver une nouvelle vocation, et profiter de l’attirail mis à disposition par les assedics pour me recycler…
Enfin, seulement si d’ici là, j’arrive à me dépatouiller dans ce labyrinthe de procédures administratives, et que j’arrive à conserver mon statut de mérofoyer. Et vu comme ça se présente, c’est loin d’être gagné !!!
PS: certains noms d’oiseaux ont été allégés, hein, pour la forme, mais le fond y est ! 😉