Ce vendredi était un peu plus joyeux que les autres… J’avais organisé une soirée filles avec mes copines, avant de réaliser qu’en fait avec Mamzelle et le conservatoire nous avions déjà rendez-vous avec Benjamin Millepied et sa compagnie L.A. Dance Project au théâtre Anne de Bretagne. Alors on est allées voir ce très beau spectacle toutes les deux, et après, je suis allée rejoindre mes amies, Mamzelle allant dormir chez une copine. Encore un peu bouleversée par le dernier ballet, Quintett de William Forsythe, je voulais profiter de ce petit moment de grâce en égoïste, seule dans ma voiture, en coupant la radio, la musique de Gavyn Bryars « Jesus Blood Never Failed Me Yet » tournant en boucle dans ma tête.
Les yeux encore un peu brillants, j’ai rejoint mes amies, on a bu un mojito, on a débouché une bouteille de pétillant, on a parlé, ri, on avait tant de choses à se raconter. Et puis la grande de S., restée seule chez elle, a appelé sa maman : « tu as vu ce qui est en train de se passer ? »
On s’est ruées sur nos téléphones, et on a assisté, impuissantes, incrédules, effarées, au déroulé des évènements, sur Twitter, puis sur Facebook où à mon grand soulagement mes amis et ma famille pointaient les uns après les autres. Nous n’avons pas allumé la télé, les enfants regardaient un dessin animé dans la pièce à côté. Puis nos chéris sont rentrés de leur séance ciné, au courant de rien. On les a accueillis en parlant toutes en même temps, ça partait dans tous les sens, ils ne comprenaient rien, encore dans leur James Bond de pacotille.
À partir de là, je n’ai plus eu les mots. On a bu encore ensemble, un peu. On est rentrés coucher les enfants, et on a allumé la télé. Les images. Le décompte des morts. On a vite éteint, j’ai rallumé mon téléphone. Le message de Malvina, rentrée sauve du Stade de France. Les avis de recherche sur Twitter, le beau visage de Marie qui me hantera longtemps encore. MrChéri est allé se coucher, je suis restée anesthésiée sur mon canapé, checkant Facebook encore et encore jusqu’à 3h et demi du matin.
Samedi, au réveil, cette impuissance à sortir de sous la couette. Et puis arriver à reprendre le cours des choses, parce qu’il le faut. Les avis de recherche qui font place aux avis de décès. Les noms qui tombent, terribles. Le deuil national. À aucun moment je me suis demandé si tout cela n’était pas faux, je n’ai pas cru un seul instant que c’était un cauchemar dont on allait bientôt se réveiller. Pas de déni, pas de faux espoirs, juste une implacable lucidité. Ce qui n’empêche pas cette putain de sidération qui engourdit mon cerveau depuis cette nuit de vendredi. Je n’ai pas les mots, je n’ai plus les mots. Je ne reprends mes esprits qu’entourée des miens, mes enfants, mes amis, la danse qui me fait sentir si vivante et si connectée aux autres, qui m’a fait tant de bien ce week-end et hier, comme en janvier dernier. Ce vent froid qui me réveille alors que j’encourage les autres qui courent malgré tout. Ces larmes qui ont tant tardé à venir, mais qu’une minute de silence, seule face à ma radio, ont fini par libérer. Et qui depuis coulent dans les bras de mes amis, dans le récit de ma fille de cette Marseillaise chantée au lycée, de ces roses blanches, de cette bougie allumée chaque soir.
Après les larmes, les mots reviendront sans doute, bientôt. Pour l’instant, ils sont bloqués, là. J’ai les mots d’avant, les autres tourbillonnent en vain dans mon cerveau, ils ne trouvent pas de porte de sortie. Alors je me tais. Je lis, beaucoup, surtout la nuit où je dors mal. J’écoute. Je me protège comme je peux des réactions de haine, de violence, et aussi de la police de la bonne pensée qui m’écœure tout autant. Chacun réagit et gère comme il le peut, moi ce que je veux garder, avant de sortir de cet effroyable engourdissement, c’est malgré tout de l’espoir pour demain. C’est l’amour. C’est la liberté, l’égalité, et la fraternité. Ces trois mots me hantent et me font du bien, je m’y raccroche désespérément.
Give peace a chance. Et prenez soin de vous.
15 Commentaires
C’est exactement çà : give peace a chance ! Gros bisous.
:dot: Je t’embrasse aussi.
très bel article…oui on se souviendra toujours de ce qu’on faisait ce vendredi 13 au moment où on a appris cet effroyable drame…
des bisous
Je t’embrasse Céline. Merci pour tes mots.
:dot: Merci pour les tiens, ils font partie de ceux qui me font beaucoup de bien.
<3
Merci pour ces mots. Anéantie ici aussi.
Depuis vendredi soir je ne suis qu’une flaque de larmes et de colère. Je savais que ça allait arriver parce que mon mari me l’annonce depuis longtemps (il est militaire) mais je ne voulais pas le croire! Vendredi soir à 22h ma fille de 23 ans qui travaille à Paris mais heureusement était rentrée en Auvergne pour le WE reçoit un sms de son frère de 21 ans, gendarme mobile en mission sur Paris: » surtout ne sors pas de chez toi » et puis l’horreur encore et encore…. Et être certaine que mon fils en première ligne va bien… Ma fille est retournée à Paris, je ne voulais pas…
:dot: Courage, c’est tellement dur de savoir les siens si loin… je pense fort à toi.
merci pour ces doux mots, ces vérités et surtout cette espoir commune …
biz
:dot: C’est une très jolie chanson…
Je nous souhaite pour l’avenir, plein de minutes de bruits. Plein de baisers.
Cela a été une nuit terrible pour nous tous. J’avais la peur au ventre, avec Pulchérie habitant dans l’épicentre du cyclone…
Je crois que nous sommes vraiment tous solidaires et reliés par ce jour maudit, qui nous fait tout de même prendre conscience que nous sommes un pays finalement uni, indivisible…
Et Paris sera toujours Paris…
Oh mais comme je te rejoins ! C’est tellement abrutissant ce qui se passe que je ne sais plus comment réagir, et encore moins comment l’exprimer. Je mesure seulement notre chance d’être tous ensemble, en famille, avec nos proches… Et malgré la tristesse pour ceux qui n’ont pas été épargnés, j’ai encore beaucoup d’espoir pour l’avenir. Il le faut, je pense, si on ne croit plus en l’humain, tout est perdu. Enfin c’est ce à quoi je m’accroche. Des bises. (Et pour te dire à quel point je dirais « pareil » à ton billet, j’ai pris le même titre, sans le savoir).
La danse (bon, pas la « vraie » comme toi hein, moi je fais de la zumba) me fait à moi aussi un bien infini, au milieu de toute cette horreur qui fait ressortir le meilleur de nous certes, mais aussi le pire.
Je te serre bien fort dans mes bras, et ta famille aussi (ouais, j’ai des grands bras 😉 ) parce que l’amour, y a que ça qui nous sauvera.
BISOUS