C’est peu dire que ce film a bercé mon enfance. A la maison, le Roi et l’Oiseau passait en boucle sur le magnétoscope familial jusqu’à ce que la fragile cassette décède d’usure prématurée. Mes petits frères et moi ne nous lassions pas de le regarder, encore et encore. Au point d’en connaître les dialogues et les chansons par cœur. Au point d’inclure certaines répliques dans notre panthéon personnel et de nous amuser à les échanger dans un clin d’œil de connivence enfantine.

Lorsque le DVD est sorti en 2003, je me suis précipitée pour l’acheter. Je me suis replongée dans mes souvenirs avec délectation, à peine perturbée par la netteté de l’image numérisée et l’intensité des couleurs qui n’avaient plus rien à voir avec celles que j’avais connues, enfant, sur bande magnétique. Pour mon plus grand bonheur, sous mes yeux, l’émotion était intacte, et la poésie toujours au rendez-vous.

J’ai attendu que mes Korrigans grandissent un peu pour leur montrer ce pur chef d’œuvre. J’espérais secrètement qu’ils aient le même coup de foudre pour cette histoire que moi à leur âge, et je n’ai pas été déçue, même 30 ans après, la poésie a su toucher leurs coeur d’enfants du 3ème millénaire.

Le Roi Charles V + III = VIII + VIII = XVI (Charles Cinq et Trois font Huit et Huit font Seize) est un tyran mégalomane qui gouverne le royaume de Takicardie. Il déteste tout le monde, et tout le monde le déteste, en particulier l’Oiseau, habitué à narguer et à ridiculiser le roi dont il est le pire ennemi.

Le Roi cherche d’ailleurs à se débarrasser par tous les moyens de l’Oiseau gêneur, sans succès. Il a beau disposer des pièges, former sa garde au tir au pigeon, l’Oiseau et ses 4 oisillons continuent de vivre en toute liberté.

Dès qu’il le peut, le Roi se retire dans ses appartements secrets, au 296ème étage, tout en haut du royaume. Il est amoureux de la charmante Bergère qui orne un des tableaux de sa suite, mais à son grand désespoir, le cœur de la jeune fille est pris par le petit Ramoneur « de rien du tout » (de rien du tout) qui occupe le tableau voisin.

Les korrigans aiment beaucoup tout le début du film, riant de bon coeur aux mots d’esprit de l’Oiseau et se moquant franchement de l’imbécilité du Roi

Une nuit, alors que tout le monde dort paisiblement, la Bergère et le Ramoneur se déclarent leur amour, et décident de s’enfuir ensemble, hors du palais. Ils sont surpris par le portrait du Roi qui prend vie et tente de les empêcher, en vain. La Bergère et le Ramoneur s’échappent par la cheminée. La bagarre a réveillé le véritable Roi, qui effrayé de se retrouver face à son propre portrait, appelle la Police Secrète à son secours. Celle-ci arrive trop tard, le portrait s’est débarrassé de son modèle et prend sa place. Il lance la police aux trousses des deux jeunes fugueurs.

Je peux vous dire que les Korrigans ne sont pas franchement à l’aise lors de la scène de la confrontation entre le Roi et son portrait : l’image est sombre, la musique angoissante et le regard des protagonistes effrayés est… effrayant ! Ils sont soulagés lorsque les deux jeunes tourtereaux sortent enfin à l’air libre, sur les toits du royaume.

Au petit matin, toujours juchés sur leur cheminée, la Bergère et le Ramoneur rencontrent les petits oisillons. L’un d’eux se fait piéger, et le Ramoneur lui sauve la vie. Reconnaissant, l’Oiseau décide d’aider les jeunes amoureux à fuir.

S’ensuit une course poursuite échevelée entre la police secrète du Roi et nos jeunes héros accompagnés de l’ineffable Oiseau. Celle-ci les mènera dans tous les recoins du royaume, jusqu’aux plus obscurs et reculés. Le Roi juché sur un immense robot finit par les attraper dans la Ville Basse, là où les pauvres gens sont maintenus cloîtrés.

Durant toute la poursuite, les Korrigans sont littéralement scotchés à l’écran, il me semble les voir courir les pieds dans le vide, avec les personnages !! La ville basse est sombre et inquiétante, on n’a qu’une envie, fuir.

Le Ramoneur et l’Oiseau sont envoyés aux travaux forcés, mais ils se rebellent et sont condamnés à être dévorés par les Lions. Menés dans la fosse, ils sont sauvés par un accordéoniste qui fait danser les fauves au son de son instrument, leur faisant oublier momentanément leur faim. L’Oiseau leur raconte la triste histoire de la Bergère et du Ramoneur, les Lions sont furieux.

Les prisonniers finissent par s’échapper de la fosse avec l’aide des Lions. A la vue de ce curieux équipage néanmoins porteur d’espoir, les habitants de la Ville Basse décident de fuir leur condition eux aussi. La révolte gronde. Le Ramoneur prend possession du Robot qui l’avait capturé et part à la recherche de sa bien aimée.

Durant ce temps, le Roi force la Bergère à l’épouser. Heureusement, le Ramoneur et l’Oiseau viennent interrompre la cérémonie et libèrent la jeune fille. Le Roi est déchu, et le royaume du tyran détruit par le robot.

La dernière scène du film, hautement symbolique, où le robot assis sur un tas de ruines détruit la cage où l’oisillon s’est encore fait piéger, est poignante. Les Korrigans ne disent plus un mot.

Porté par une musique magnifique et une animation délicate, cet hymne contre le totalitarisme, qui dénonce  également l’art au service de la propagande est néanmoins hyper accessible pour les enfants. Ceux-ci sont touchés par les thèmes de la liberté et de l’amour, symbolisés par l’Oiseau et les enfants. Il refuse tout manichéisme simpliste. Ainsi le Roi, personnage méprisable, colérique et terriblement égocentrique, apparaît néanmoins complexe : sa solitude et sa détresse le rendent même parfois touchant.

Un véritable chef d’œuvre, sans nul doute mon dessin animé préféré.

Le Roi et l’Oiseau
Réalisé en 1979 par Paul Grimault et Jacques Prévert d’après le conte « La Bergère et le Ramoneur » de Hans Christian Andersen. Musique Wojciech Kilar.
A remporté le prix Louis Delluc en 1979.
(merci à Wikipédia pour toutes les infos)

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24 Commentaires

  1. Mes 3 grands ont adoré eux aussi, sur le magnétoscope, pendant de longues années. Il y a peu, c’est eux qui ont voulu qu’on le montre aux 2 plus jeunes. Ils étaient tous les 5, de 4 ans à 18 ans, groupés collés les uns contre les autres sur le canapé, à le regarder en vrais fans. Trop beau.
    Mon ainée de 18 ans s’est inscrite sur le groupe Facebook des fans du film. La relève est assurée pour cette oeuvre intemporelle…

  2. J’étais assez terrifiée par ce dessin animé quand j’étais petite…
    Mais ton reportage me rappelle la poésie avec laquelle cette histoire est racontée.
    J’ai bien envie de le revoir moi maintenant !

  3. Comme Barbara, je garde un souvenir mitigé de ce film… J’étais allée le voir à sa sortie avec l’école… J’avais à l’époque 13 ans : probablement trop vieille pour le prendre au premier degré (poésie et aventure) comme tes korrigans et trop jeune pour saisir la portée philosophique et le message véhiculé par ce film.
    A revoir, probablement!

    A vrai dire, je crois bien l’avoir revu depuis….

  4. Je me souviens que ton frangibus teutonibus était effrayé et pleurait même à certain passages, mais le regardait à chaque fois qu’on le passait…
    Sur le plan graphisme, c’est un vrai chef d’oeuvre et la musique est superbe. Grand souvenir, je le reverrais bien lors de ma prochaine visite, surtout que le magnétoscope est hors service depuis quelques années.

  5. Rah ça fait un moment que je me dit qu’il faut que je vois ce film et tu m’en as donné encore plus envie là. Bon, je rajoute ça dans ma liste des « à ne pas oublier de rattraper ».

  6. La lectrice de l'ombre Répondre

    Je l’ai sûrement vu étant petite, mais c’est étrange je n’en garde pas de souvenir.
    Par contre, en parlant d’oiseau, je me souviens d’un film beaucoup plus récent (2003) qui s’appelait « Le Chien, le général et les oiseaux » et qui avait plu à ma fille.

  7. qu’est ce que j’ai aimé ce film!! tous les ans, à noël, ça passait…. et nous, on regardait, année après année avec le même plaisir! je me disais justement que cette année était peut être la bonne pour commencer avec mes poussins.

  8. Très joli film, trop méconnu…
    Tu as bien raison de lui faire de la pub..
    Sacré boulot, la mise en ligne de toutes les images..

  9. Fiston ne l’a pas encore vu mais ma fillotte avait été très touchée par cette très jolie fable.

    Le coup des Winx je vais pas m’en remettre Lutecewoman 😉

  10. Dans mon souvenir, si la fin me faisait pleurer, ce n’est ni de peur, ni paece que c’était fini, mais juste que la fin est magnifique, que l’oiseau est libéré et que la musique ….

    Poignante, tu disais ???

    Je me suis aussi rué sur le DVD, qui lui, contrairement à la VHS, ne commence pas 10 minutes aprés le début…

  11. je ne connaissais pas du tout, merci pour cette histoire que tu as merveilleusement bien racontée et qui me donne envie de le découvrir!

  12. Je ne connais pas ce dessin animé. Il a l’air de faire sacrément peur.
    Ton miniloup regarde aussi jusqu’au bout ??
    Ma grande fille du même age ne tient pas plus de 10 mn sur le canapé, elle réclame de temps en temps des « dessinsnimés » mais elle reste jamais jusqu’à la fin.

  13. Dernierement je l’ai revu chez mes parents avec mon fils, je crois que j’étais plus émerveillée que lui 😉
    ca me change des totaly spices quand meme 😉

  14. « Le roi et l’oiseau  » fut naguère le premier film que mon père m’emmena voir au cinéma… C’était si rare que le souvenir est resté vivace en moi, avec ses émotions. En revoyant le film avec mon fils quand il a eu 5 ans, j’ai revécu celles-ci, non seulement intactes mais décuplées par l’expérience de la vie, tout simplement. Et la fin m’arrache toujours des larmes, avec cette image de destruction du despotisme. J’attends vivement que ma fille ait l’âge requis, et je replongerai avec délice!

  15. Magnifique!! J’adore!! Je viens de m’apercevoir que les personnages sont un peu similaires à Shrek : bergere/princesse, l’oiseau/l’ane, le robot/le dragon, le roi/le roi, non?
    Dans la même veine « Le géant de fer », hyper beau aussi!

  16. Comme tu dis, un chef d’oeuvre!
    Je l’ai revu après 7 ans, et je le trouve toujours aussi émouvant!
    Ce dessin animé est une sorte de compte, car beaucoup de films semblent y avoir pris certaines idées de scénario (shrek).

    Ce film est irremplaçable. Je m’en souviendrai toute ma vie!

  17. Mes 2 enfants de 2 et 3 ans sont déja acceos – ils ont deja du le voir 30 fois…
    Un peu jeunes pour saisir le symbolisme politico libertaire, mais pas pour l’aspect narratif et poetique.
    Certes les chateaux de sables sur la plage ne resistent plus aux assauts de mes 2 petits robots…

  18. Frangibus Barbus Répondre

    Dormez, dormez!
    Petits oiseaux.
    Petits oiseaux chéris.
    Petits oiseaux chééérriiiiiiiiiiis!

  19. Depuis qu’il a vu le roi et l’oiseau, c’est le film préféré de mon bibou qui ne peut plus s’en passé et qui adore le faire découvrir à ses copains qui ne le connaisse pas.
    C’est un film fabuleux et qu’il ne faut pas hésiter à faire voir à nos trésors.

  20. Pingback: La BA de l'année - sortie classe CE2 sous la pluie | Merci pour le chocolat !

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